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LE DRAME NATIONAL ET « HENRI III ».

erreur à Pixérécourt. « J’ai fait cinquante drames depuis Henri III, écrira-t-il plus tard, aucun n’est plus savamment fait[1]. » Il exagère à peine.

Dans la nécessité de peindre les mœurs, le théâtre est contraint de faire aux yeux un appel plus direct. Car, si les caractères perdent leur relief et leur généralité depuis la Révolution, les milieux en revanche prennent une influence prépondérante. Diderot en avait eu comme un pressentiment et recommandait les tableaux ; Beaumarchais, peintre de mœurs, s’était mis à les exécuter. Le Barbier de Séville et le Mariage de Figaro en sont tout remplis. Et, tout de suite, Pixérécourt en avait abusé grandement. Dumas en use d’abord ; il en abusera plus tard. S’il s’en était tenu à son talent dramatique, et n’eût apporté ici aucune préoccupation d’école, il allégeait l’empâtement de quelques détails d’érudition hâtive et soulageait sa pièce d’un poids mort qui pèse surtout sur l’acte I et le début du II. Dès Charles VII, il sera plus habile et suivra son naturel. Cela dit, je ne saurais souscrire aux jugements dédaigneux de certains critiques. Copieuse enluminure, orgie de couleur locale sont les moindres termes de leur mépris. Ils s’indignent de ce que Dumas trouve son sujet dans Anquetil. Vouliez-vous qu’il inventât Henri III ? Anquetil ou Surius, la belle affaire ! — Il puisait encore dans le Journal de l’Estoile. — On oublie la Confession de Sancy et l’Île des Hermaphrodites. On oublie surtout que le décor n’est pas la miniature, ni la délicatesse le fait du décorateur. Mais Bajazet ? Nous y voilà. Moi aussi, je suis d’avis qu’il y a de la couleur assez pour mon goût et pour une tragédie psychologique dans Bajazet ou Bérénice, mais je tiens que ni l’une ni l’autre ne sont des œuvres populaires, et qu’il en fau-

  1. Mes mémoires, t. V, ch. cxvii, p. 81.