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LE DRAME NATIONAL ET « HENRI III ».

avec distinction. Les successeurs de mademoiselle Mars la vengent de ses démêlés avec Dumas. Henri III et sa Cour est une œuvre de début, où le cadre et le pittoresque débordent parfois le reste, où les imitations abondent, où des vestiges de tradition classique et tragique survivent tout de même par endroits, où la jeunesse triomphe avec frénésie, les poings ramassés au corps, et la tête en avant. Mais cette œuvre apportait à cette génération juste le genre d’émotion et de spectacle, dont elle était avide, que ni Pixérécourt, ni Mérimée, ni Delavigne, ni Hugo ne lui avaient encore donné, où Dumas, ignorant et peu timide, venait d’atteindre, par un hasard, à ce qu’il conte, après beaucoup de travail, comme nous avons dit (le hasard étant la providence des sots). Il n’a pas renversé la tragédie, ni lui ni aucun autre : cette forme d’art est supérieure. Mais il a communié avec l’imagination et l’âme du peuple. Et, lui premier, il apporta un drame, français par le choix du sujet, populaire par son fonds et ses points d’attache, et moderne par les germes féconds qu’il renfermait. C’est peu, si l’on se reporte aux préfaces de Victor Hugo, beaucoup, si l’on songe à ses pièces.

Henri III est en prose. Le théâtre populaire était à ce prix. Le vers agit sur la foule, mais repousse les personnages et les événements dans un lointain. Il fait l’impérissable beauté de la tragédie classique ; la prose constituait provisoirement un avantage décisif pour le drame. Puis, le sujet est pris dans notre histoire. D’instinct, Dumas avait amené Christine à Fontainebleau. D’instinct, il va ensuite à cette époque agitée du xvie siècle, où l’indépendance des partis déchire la France, où les passions sont entières, où, vaincus par l’esprit guerrier, philosophes et humanistes sont impuissants : époque énigmatique et trouble, que viennent de réveiller Chroniques et Mémoires, et dont les