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LE DRAME D’ALEXANDRE DUMAS.

pourquoi. Ils veulent s’entr’égorger et oublient leur poignard ; quand ils l’ont retrouvé, ils sont redevenus des frères[1]. Du théâtre Hugo n’a que le mouvement, et encore prenez garde que ce mouvement se propage le plus souvent à la surface des strophes et des couplets lancés à toute volée. De caractères ou de passions nous parlerons à une occasion meilleure.

Il y a juste autant de logique en ces chanteurs que dans les événements où il leur faut s’engager, vocaliser et mourir. La voix est d’or, mais la verve souvent bizarre, parfois épaisse[2], la passion monotone sans progression et comme hypnotisée par la beauté des passages et du récitatif. Dépouillé de l’éclat de la forme, ce n’est que du bruit cadencé qui fuit.

Vous êtes mon lion superbe et généreux[3]

fait un vers d’un élan farouche. Le « lion » est de Schiller et de Mérimée[4]. Mademoiselle Mars, fine-mouche, le domestiquait ainsi :

Vous êtes mon seigneur superbe et généreux[5].

Plus de lion, plus rien, que la banalité de « superbe »

  1. Cf. l’énergie de Buridan et du chevalier de Maison-Rouge.
  2. L’acte IV de Ruy Blas, trop vanté, produit parfois l’effet d’une suite d’à peu près ou de coq-à-l’âne :

    Quel livre vaut cela ? Trouvez-moi quelque chose
    De plus spiritueux !


    Ou encore :

    Dans ce charmant logis on entre par en haut
    Juste comme le vin entre dans les bouteilles.

    (Ruy Blas, IV, sc. ii, pp. 185 et 186.)
  3. Hernani, III, sc. iv, p. 78.
  4. Voir la Conjuration de Fiesque à Gènes, II, sc. xviii, p. 268 : « Pensiez-vous que le lion dormait ? » Cf. Théâtre de Clara Gazul. L’amour africain, p. 172. Mojana après avoir ôté son voile : « Que veut mon lion ? »
  5. Mes mémoires, t. V, ch. cxxxii, pp. 272-273.