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LE DRAME D’ALEXANDRE DUMAS.

telles les victimes de Matalobos. C’est l’application d’un vers de la pièce :

Avec la tragédie unir la mascarade[1].

Et c’est aussi le premier point à noter. Hugo ne manque pas de mémoire, non plus que Dumas. Seulement, il s’attache encore davantage aux aubaines de ses souvenirs. Il coupe les scènes empruntées, les quitte et y revient, et ne les lâche plus. Le monologue d’Auguste est repris à toute heure du jour et de la nuit[2]. Deux vers de Corneille s’espacent en deux longues pages[3]. C’est la seconde remarque à retenir. Cromwell n’est pas, comme on l’a dit, un accident de composition, mais le premier résultat de cette faculté d’agrandissement et d’accumulation que Victor Hugo apportait au théâtre, de son propre fonds, et sous l’influence de Walter Scott. La peinture de l’individu tournait d’abord à l’énorme. N’ayant point le génie dramatique, jamais il n’arrivera à se réduire aux justes proportions du drame. Dumas conte qu’après la première lecture de Marion de Lorme chez Devéria, se trouvant assis à côté du baron Taylor, qui lui demandait ce qu’il en pensait, il répondit que l’auteur avait fait sa meilleure pièce[4]. En effet, au point de vue scénique, aucun progrès ne se manifeste depuis Marion de Lorme jusqu’à Ruy Blas. La trame de Lucrèce Borgia semble plus serrée : nous verrons tout à l’heure par quel heureux hasard. Hugo est un voyant, dénué de logique et de mesure.

  1. Cromwell, III, sc. xii, p. 308.
  2. Ibid., II, sc. xv, p. 207 ; cf. IV, sc. ii, p. 346 et passim.
  3. Ibid., V, sc. iv, pp. 423-425. Développement des deux vers de Cinna : I, sc. iii.

    L’occasion leur plaît, mais chacun veut pour soi
    L’honneur du premier coup, que j’ai choisi pour moi.

  4. Mes mémoires, t. V, ch. cxxxi, p. 258.