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LE DRAME D’ALEXANDRE DUMAS.

Dumas le fit voir, qui avait connu ce théâtre. Quand il mettait en scène le Gentilhomme de la montagne, il reprenait Hernani selon la formule de Victor. Il s’en tenait au mélodrame sciemment et délibérément. Pixérécourt ne dépassa point ce genre, mais ce fut malgré lui. Il a compris le public de la Révolution et de l’Empire ; il en a deviné l’état d’imagination et les convoitises. Il a fait effort d’invention, de mouvement, dans la mesure de son talent, qui était nul au regard de la littérature, mais non pas sur la scène. Il n’a aucune observation ; et il n’a pas non plus la passion. Il s’est trompé de route. Il s’accroche au Beaumarchais de la Mère coupable et à Figaro grisonnant. Juste au moment que les tableaux de mœurs ou d’histoire vont prendre sur la scène une place prépondérante, il néglige le Barbier et le Mariage, qui ont préparé, compliqué et assoupli la technique. Ses drames ou mélodrames atteignent péniblement trois actes ; parfois deux lui suffisent ; encore donne-t-il trop souvent la sensation du mouvement dans le vide ; à défaut de passion, il possède une certaine sensibilité larmoyante, dont Beaumarchais avait déversé le trop-plein à la fin de sa trilogie, et qui menaçait déjà de rompre les digues dans le Mariage. Pour lutter contre les Bégears, les Figaros de Pixérécourt sont pleins de bonnes intentions, qu’ils expriment dans une langue lamentable, mouillée de pleurs et semée d’aphorismes prudhommesques et consolants. Sa morale, au dénoûment, est un commentaire de ces mots du comte Almaviva vieilli : « Ô mes enfants ! il vient un âge où les honnêtes gens se pardonnent leurs torts, leurs anciennes faiblesses, font succéder un doux attachement aux passions orageuses qui les avaient trop désunis[1] ». Dumas, qui connaissait les

  1. La Mère coupable, V, sc. viii.