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LE DRAME NATIONAL ET « HENRI III ».

mais il est lyrique à sa façon, à la suite des modèles, qui sont tout justement ceux de Dumas.

C’est un écho timide, et qui répercute tout de même. Il a du goût, non pas effréné, pour les bandits, les brigands rêveurs, les écumeurs utopistes, les forbans naïfs, pour tous les pitoyables héros en marge de la société. Victor et consorts, qui ont dans leur passé un secret originel, issus d’Hamlet, de Fiesque, de Faust, et aussi (disons-le dès maintenant sous réserve de le redire) de notre Figaro, sont les épreuves avant la lettre des Antony, des Richard, des Buridan, des Hernani, des Gennaro, et des Ruy-Blas. Cœlina, enfant du mystère, est aussi la fille d’une grande dame, d’une très grande dame et de Francisque, pauvre homme muet, que l’on reconnaît finalement pour un ancien peintre. Pixérécourt, en 1802, contemporain des Augereau, des Bernadotte, des Marceau, des Bonaparte, ne peut pas encore exploiter la légende. Avec un peu d’audace, il faisait de Cœlina la fille d’un prince ou d’un bourreau. Mais puisant où les romantiques ont puisé, il mêle déjà le rire aux larmes, et le quatuor des drames romantiques apparaît selon la fine remarque de M. Petit de Julleville[1] : une jeune fille douce comme les anges et fière, et tendre, et vaillante, et pure (telles Ophélia, Marguerite, Amalie) ; le jeune premier, l’âme pétrie de mystère et d’amour (Hamlet , Fiesque ; ; le traître renforcé , descendant d’Iago et du nègre Hassan ; enfin chez Hugo le gracioso Espagnol, chez Dumas, plus moderne et plus vrai, le mari, le père, le chef de la famille, centre de l’émotion dramatique. Joignez que Pixérécourt est capable, tout comme un autre, d’exécuter une tuerie à la fin d’un mélodrame ou de jeter une scène de séduction au début[2]. Que lui-a-t-il donc manqué pour créer le drame national ?

  1. Le Théâtre en France, ch. xi, pp. 358-359.
  2. Valentine ou la Séduction, I, sc. i et ii, pp. 3-8.