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LE DRAME D’ALEXANDRE DUMAS.

morale en action. Si Roger est le chef des Indépendants, c’est pour défendre les faibles contre les riches insolents et oppresseurs. Je reconnais Gœtz, je retrouve Charles Moor. « Qui t’en a donné le droit ? — Mon amour pour l’humanité[1]. » À l’exemple de Charles Moor, il confesse son erreur, mais avec plus de contrition. On se rappelle le dernier et fier couplet du Brigand : « Hélas ! fou que j’étais, de m’imaginer que je perfectionnerais le monde par des crimes et que je maintiendrais les lois par l’anarchie[2] !… » Roger, au moment de mourir, dit d’une âme chrétienne : « J’ai voulu te faire l’aveu des crimes que j’ai cherché vainement à déguiser sous les systèmes les plus faux et les plus dangereux [3] ». Pixérécourt en profite pour faire aux Indépendants enchaînés un sermon tout empreint du lyrisme de Charles Moor, mais assagi et commenté selon la formule édifiante et dulcifiante de la Mère coupable[4].

Ce mélodramatiste est un précurseur circonspect. On ne reconnaît pas tout son mérite en disant qu’il a préparé le public au jeu du décor et de la machine. Les sources mêmes du drame national, il les dérive avec précaution. Il embourgeoise Gœthe et Schiller. Il exalte l’individu avec modestie. Il a des révoltes paisibles. Une énigme transparente enveloppe ses personnages. Il viole les règles discrètement, et séduit les femmes avec des égards[5]. Son exaltation est vertueuse,

  1. Victor, p. 47. Voir toute la scène d’explication entre le fils et le père, où l’un se fait juge de l’autre ; situation souvent reprise au théâtre. Cf. la Mort de Wallenstein, II, VIII, pp. 464-467. Cf. le Fils naturel ; Maître Guérin ; Pour la couronne.
  2. Les Brigands, V, sc. ii, p. 163.
  3. Victor, III, sc. xvi, p. 54.
  4. La Mère coupable, V, sc. viii. Cf. ci-après, p. 123, n. 2.
  5. Valentine ou la Séduction, I, sc. i, p. 3.