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INFLUENCES ALLEMANDES.

pas de Dumas, comme on pourrait croire, mais de Schiller et de ses Brigands. Ajoutez quelques traits ramassés dans la Conjuration de Fiesque : « J’ai compté les deux cent vingt marches qu’ils ont descendues, les douze portes qu’ils ont ouvertes[1]  ». Schiller s’était contenté de « fermer au verrou huit chambres derrière nous ; le soupçon ne peut nous approcher à cent pas[2] ». Au lieu de huit portes, Buridan en met douze ; au lieu de cent pas, deux cent vingt marches. Cela est mieux ainsi pour un capitaine d’aventures, qui a couru les cachots de l’Europe et qui fut de la Grande Armée. Rappellerai-je que Buridan est de Bohème, quand il lui plaît, qu’il lit dans les astres, dans la main, prédit l’avenir et s’acquitte agréablement de tout ce qui concerne son état, qu’il a appris de Ruggieri, lequel le tenait de Galeotti, disciple de Seni[3] ? — Notons-le par surcroît et pour nous donner l’illusion de ne rien omettre.

Car Dumas n’oublie rien, lui. Il se sert de Schiller, alors même qu’il semble se régler sur Shakespeare. Seulement, à mesure qu’il s’éloigne de ses premières lectures et de ses enthousiasmes de jeunesse, ses réminiscences sont mieux assimilées. Il en retient surtout l’idée et le moyen scéniques. Il a un certain nombre de scènes d’emprunt, qu’il a faites siennes et qu’il reprend volontiers. Catherine Howard, c’est Richard Darlington, Richard métamorphosé en femme : souvenirs de Roméo et Juliette, inspiration de Macbeth, et encore, et surtout de Fiesque de Lavagna et de la veuve Imperiali. Pour le cinquième acte, voyez le dénoûment de Marie Stuart[4]. Mais, en même temps qu’il fourrage

  1. La Tour de Nesle (Th. IV), III. tabl. vi, sc. i, p. 54.
  2. La Conjuration de Fiesque à Gènes, III, sc. v, p. 281.
  3. La Tour de Nesle, II, tabl. iii, sc. iii, p. 32. Cf. ei-dessus, p. 67.
  4. Confession in extremis, terreur de l’échafaud, etc… Cf. l’Alchimiste, V, sc. ix, pp. 285 sqq. Voir plus bas, p. 1, note 3.