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LE DRAME D’ALEXANDRE DUMAS.

ne te pousse à laisser voir combien l’infant te veut de bien… Ce que tu pourras avoir désormais à me transmettre, ne l’exprime jamais par des syllabes, ne le confie pas à tes lèvres, que ton message ne suive pas la voie frayée, la voie commune des pensées. Tu parleras par le mouvement des cils, du doigt ; je t’écouterai du regard. L’air, la lumière qui nous entourent sont les créatures de Philippe ; les murailles muettes sont à sa solde[1].

et l’insouciance de ton âge. S’il arrive que nous nous rencontrions, passe sans me connaître, sans m’apercevoir ; si tu avais encore dans l’avenir quelque chose à m’apprendre, ne l’exprime point par des paroles, ne le confie pas au papier ; un signe, un regard me dira tout…Je devinerai le moindre de tes gestes ; je comprendrai ta plus secrète pensée.

 

Sors, sors maintenant, et garde que personne ne te voie.

Pour un plagiat, c’en est un. Quand Corneille écrivait le Cid et Racine Phèdre, ils ne serraient pas l’original de plus près. On notera seulement qu’où Dumas ne traduit pas littéralement, il adoucit l’imprévu ou le forcé des images (« Tu parleras par le mouvement des cils… je t’écouterai du regard ») ; il ménage son public français ; et de plus, il compose, même en traduisant. Le mot du page : « Et moi, comte, je suis lier d’avoir un secret à nous deux », n’est plus seulement un trait de jeunesse. Désormais, Arthur est de moitié dans le dénoûment. Vous en trouverez la preuve dans le billet qui tombe avec un paquet de cordes[2]. Même plagiant, Dumas prévoit et prépare.

Dans Christine les souvenirs transparents ne manquent point[3]. Lorsque la reine Christine tombe à la mer, au premier acte, elle commence par où Fiesque a fini[4]. Doria renvoie garrotté à Fiesque le Maure qui

  1. Don Carlos, II, sc. iv, pp. 42-45. Henri III et sa Cour, IV, i pp. 176-178.
  2. Henri III et sa Cour, V, sc. ii, p. 196.
  3. Sur ce point Blaze de Bury, op. cit., est fort incomplet et léger dans ses affirmations, pp. 38 sqq.
  4. La Conjuration de Fiesque, V, sc. xvi, p. 347. Cf. Christine, prologue, p. 207.