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INFLUENCES ALLEMANDES.

qu’Egmont est « si franc, si ouvert », qu’on ne « peut s’empêcher de l’aimer[1] ». Et, comme il est attendu, elle engage sa fille à faire toilette. Le Brackenbourg vient rendre compte de sa mission ; la bonne femme le reçoit, et puis, elle sort avec sa fille, sa fille perdue et retrouvée. Il y a mieux. Egmont paraît en manteau de chevalier, s’invite à souper, embrasse Claire ; et la maman lui dit : « Ne voulez-vous pas vous asseoir, vous mettre à votre aise ? Il faut que j’aille à la cuisine ; Claire ne pense à rien, quand vous êtes là. Il faudra vous contenter ainsi. » À quoi Egmont répond avec un sourire : « Votre bonne volonté est le meilleur assaisonnement[2]  ». Madame Cardinal en eût été atteinte dans sa dignité. La digne femme se relire ; enfin seuls ! Egmont rejette son manteau et paraît… en un costume magnifique, avec le collier de la Toison d’Or[3]. Décidément, il veut étonner cette couturière. À quoi bon, puisqu’il va souper en famille, entre la maman cordon bleu et la fille, qui craint seulement qu’il ne « gâte ses habits[4] » ou sa Toison ? On me dit que c’est Gœthe lui-même, qui est en scène, qui est aimé, à qui il ne déplaît point d’être vu à son avantage ni que l’admiration de Claire apparaisse au naturel. Tant pis pour l’esprit de Gœthe. Jamais Dumas, qui sait le théâtre et les limites des platitudes permises, n’eût mis sous nos yeux ce tableau d’un réalisme facile et grossier, où deux jeunes gens, le comte et l’ouvrière, s’aiment sans réticence jusqu’à l’irréparable — sous les yeux de la mère inquiète et attendrie. J’accorde qu’il y a d’autres scènes dans la pièce, notamment celle de la mort de Claire, qui est belle, mais qui vaut

  1. Egmont, I, p. 290.
  2. Ibid., III, p. 324.
  3. Ibid.
  4. Ibid.