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LE DRAME MODERNE.

demi-mesures ni aux moyens termes. Il épuise les conséquences d’une idée dramatique, et heurte déjà la morale à force de la défendre. Il ne s’arrête pas au bourgeois dénouement d’Une Chaîne et pousse jusqu’au bout, intrépide et souriant, comme plus tard l’auteur de l’Étrangère. Ainsi, ce colosse de l’invention taille les « suites » d’Antony dans le vif des mœurs françaises avant 1850.

Non pas, je ne saurais trop le redire, que Dumas observe froidement, ni que, dominée par la vérité, son imagination s’apaise, ni même que sa vigoureuse complexion cesse de s’enivrer des grands transports de l’amour. Mais le génie du drame le pousse sur le terrain où l’intérêt dramatique peut sourdre et bouillonner. À défaut d’observation, il a l’intuition et la vie, qui font que l’art du théâtre semble plus immédiatement une création. Et il continue à créer, après Henri III et sa Cour, des héros friands de la lame et de la passion, — après Antony, des hommes forts, avides et supérieurs : les premiers, pour alertes qu’ils soient, les d’Artagnan et les Bussy, tendant à se fondre en un même type de mousquetaire intrépide et galant, au lieu que les autres varient et se modifient à mesure que le siècle évolue. Le critique G. Brandès a prononcé que Dumas écrivit d’abord en romantique, et puis en industriel. Jugement faux de tout point. Industriel, Dumas ne cessa de l’être ; romantique il était, si l’on entend sous cette épithète qu’il fut révolutionnaire ; mais dramaturge il demeure avec délices et par droit de conquête. Voilà pourquoi, après avoir inventé le drame moderne, par la