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ALEXANDRE DUMAS PÈRE.

et qui épouseront à la parfin. Pour eux comme pour M. Kean, ce sera la bonne manière de mettre ordre à leur esprit et à leurs affaires.

Celui-ci a moins de génie et déjà plus de raisonnement. C’est Alfred d’Alvimar, amant d’Angèle, protagoniste d’un drame qui est de premier ordre. Il semble que la fantaisie cède à la réalité. Elle s’y mêle furtivement en la personne d’un médecin phtisique et amoureux qui consent à se laisser bander les yeux et introduire par la fenêtre dans la chambre d’une femme en couches. Dumas ne conçoit pas un drame de l’ambition sans le secours de la bonne déesse Lucine. Mais cette part faite au romanesque, il faut voir comment l’homme à l’imagination insatiable, l’écrivain aux inventions mirifiques semble contenu par le théâtre dans les limites de l’observation. Alfred est « désenchanté de tout » par une dernière concession à la mode littéraire ; il défie Dieu et les hommes, mais ce n’est plus qu’« une espèce de défi ». Au reste, tout lyrisme artificiel a disparu. L’individualisme apparaît à nu, et se dresse décidément sur la scène. Alfred a perdu son père à vingt et un ans ; un procès injuste l’a ruiné. Alors, après avoir songé au suicide juste le temps qu’il faut pour s’attacher à la vie, il a « jeté les yeux sur le monde ».

Et il y a vu la belle posture où l’imagination des poètes avait installé la femme. Et il a eu une intuition admirable : il a fait de l’amour sa carrière. Cet homme n’est pas un jeune premier. Il est l’amoureux par ambition. L’échelle de soie de Roméo, il l’a convertie en « l’échelle de femmes » pour esca-