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LE DRAME MODERNE.

Sa fantaisie se trahit seulement par les soudaines envolées de son ambition. Il ne sent pas à demi ; il n’agit pas par à-peu-près. Malgré je ne sais quelle invention étrangement romanesque, qui fait un trou dans ce drame endiablé, en dépit de cette histoire d’une mère repentie et d’un lord politique qui jette sa fille aux bras de l’opposition, et nonobstant la scène de l’Inconnu, qui n’est autre que le roi, — si l’imagination et la vérité du drame de 1830 ne sont pas dans Richard Darlington, je ne les irai pas chercher dans Marie Tudor.

Je les retrouve dans Kean, mais comme englouties par la pantagruélique jactance de Dumas. Sous le nom de l’acteur, dont les représentations en 1827 l’avaient fort ému, il se met en scène, lui ou plutôt le personnage qu’il voudrait qu’on crût être lui. Il édifie sa légende. Oh ! le désordre et le génie ! On vit sur le pied d’intimité avec les princes et l’on joue du poing à la taverne du « Trou au charbon ». On fréquente chez les comtesses, et sous le piquant prétexte de ressentir les passions pour les mieux exprimer, on s’abîme dans la crapule. On rudoie les lords, on tutoie les saltimbanques. On est un Dumas à peine forcé en vanité et à peine plus fou que l’original, mais projeté dans le merveilleux. On cède au travers romantique d’étonner le bourgeois, mais non pas sensiblement plus que Chatterton, quoiqu’on y fasse moins de cérémonies. Et, après tout, pendant qu’on étudie, en roulant sous les tables, le rôle du More ou de Roméo, on ne réclame point une pension de cette société matérialiste qui écrase le génie sans favoriser le désordre.