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ALEXANDRE DUMAS PÈRE.

d’abord si la voiture qui apporta sa mère avait des armoiries. La sensibilité ne l’aveugle point. Retrouve-t-il cette mère, qui lui avoue sa faute, il ne s’attendrit pas, il ne se trouble pas : il se demande avec anxiété s’il est né d’un père avantageux. Antony n’a pas dégénéré. Richard veut être député ; et il l’est. Ministre ? Il le serait sans une certaine précipitation qu’il met dans les actes officiels de la vie.

Moins littéraire, moins lyrique, moins germanisé qu’Antony, il mène rondement les affaires et aboutit sous vingt-quatre heures. Il est orateur et homme d’action, et sait le pouvoir des mots en public et en tête-à-tête. Il joint le geste à la parole. L’action, l’action, et encore l’action ! Il embrasse les lèvres d’une jeune fille nécessaire à consolider sa candidature. Dès qu’il a vu l’émoi de sa victime, il est sûr de son fait, et se laisse surprendre par le père à point nommé. « Voilà, dit-il, qui m’épargne une explication d’un quart d’heure. » Time is money. Lorsque, désireux de divorcer et non moins expéditif, il a menacé, bousculé, blessé contre un meuble la malheureuse Jenny, il suffit de l’arrivée d’un tiers qui dérange ses desseins pour qu’il la reconquière d’un seul mouvement qui ne manque point son but : il n’est que de la prendre un instant en ses bras. Et la scène, une des plus violentes que je connaisse au théâtre, laisse loin derrière elle les efforts d’Alphonse Daudet, les adresses d’Émile Augier, et les menues hardiesses de M. Jules Lemaître. Richard ne s’en fait point accroire : il sait sa force qui repose sur la faiblesse des femmes et la sottise des hommes. C’est un gaillard qui n’est pas manchot, comme dit l’autre.