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LE DRAME MODERNE.

de la tradition. Faute de cette réplique, en vérité, le drame est amoindri.

Avec Adèle d’Hervey, la femme adultère, patronne du théâtre moderne, entre en scène. Dirai-je que Dumas, toujours fougueux, la présente au public avec pleine franchise ? Plusieurs après lui invoqueront la force de l’homme pour atténuer la faute. Pour Adèle, l’aventure de l’auberge est un accident de sa complexion. La nature la marquée pour ces délicieuses violences. M. Eugène, une manière de Mérimée souriant, a distingué cette « femme au teint pâle, aux yeux tristes, à la bouche sévère » ; et, comme « il a fort appris la femme », il lui oppose « ces teints rosés, ces yeux pétillants, ces bouches rieuses », — la Minerve combustible et les caillettes réfractaires plutôt que novices. Plus superstitieuse que romanesque, Adèle a juste assez d’imagination pour se rappeler la première impression que lui fit Antony debout contre la porte du salon, si supérieur à ces phraseurs ou danseurs, les yeux fixés sur elle. Et cette imagination est quasiment sensuelle. Adèle est le premier exemplaire de ces jeunes femmes en qui la passion se coule naturellement par tous les sens à la fois. Elles sont la proie désignée du regard fascinateur et des caresses de la voix. Un rien les met aux champs. Au moment de revoir Sévère, Pauline s’arme de raison ; au reçu du billet d’Antony, Adèle frémit, se trompe de chapeau : dans ce genre d’émotion il n’y a point de place pour le sang-froid. Elle est vraiment une créature de chair et d’os, née pour les violentes amours. Dumas est autrement plus vrai que les romantiques ; il ne cède pas à la gloriole