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ALEXANDRE DUMAS PÈRE.

solée, et finalement contrainte à disparaître en hâte de cette fête où sa présence insulte au mérite des prudes, faible femme prédestinée aux chutes et aux fuites, quelle conséquence de sa faute Adèle d’Hervey n’a-t-elle pas encore essuyée ?

Le cinquième acte le fait paraître. Elle a cru à l’amour, et sest tenue pour moins déclassée que celles « qui s’en font un jeu ». Elle a eu aussi l’illusion que plus la passion est forte, moins elle est égoïste. De cette double erreur découle cette impitoyable série d’outrages et de souffrances. Une première fois, elle est allée dans le monde, pour mettre en sûreté son honneur ; et puis, elle y est rentrée, pour reconquérir sa dignité ; et enfin, elle se réfugie au foyer domestique, pour se reprendre à la vie, auprès de son enfant, qu’elle n’eût jamais dû quitter, dans l’attente de son époux, protecteur naturel, qui revient trop tard pour la garantir. La passion individualiste la poursuit ; sa propre demeure ne lui est plus un asile. Perdue de réputation, elle est compromise par Antony, même aux yeux de ses gens. À cette heure, elle a épuisé tous les affronts ? Ce n’est pas tout encore : car la fille aussi portera la faute de la mère. En sorte qu’à l’instant où le mari, à qui la société délègue ses pouvoirs, force la porte, Adèle cède à la logique de l’adultère, victime du conflit entre la passion et l’opinion. Elle meurt de la main d’Antony, sous la loi du monde. « Elle me résistait ; je l’ai assassinée ! » — n’est pas seulement un mot de théâtre, mais la sanglante réhabilitation après le supplice. Car il importe à une société de parvenus que l’opinion soit la plus forte, à défaut