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ALEXANDRE DUMAS PÈRE.

d’une profonde souffrance, ne sont aussi que les incartades d’un grand enfant. Prenez garde qu’Antony commence où le Misanthrope finit, sur la scène du scandale mondain. L’antagonisme s’accuse d’abord entre l’individualisme et la société. Dès le début, la passion se débat dans le vif d’un drame social. Elle n’y perd rien de son intensité, au contraire. Mais voyez ce que le drame y gagne.

Le rideau s’est à peine levé, qu’Adèle nous apparaît pétrie de bonnes intentions, mais de faible chair, et nullement douée de la saine raison qui prémunit une femme contre les surprises des sens. Elle se met en défense avec un tremblement ; elle appuie la main sur son cœur et sent qu’Antony l’aime encore : ce qui revient à sentir qu’elle l’aime toujours. Au reçu d’une lettre polie et froide, elle se réfugie dans le monde, comme l’autruche cache sa tête en exposant son corps. Et il est déjà manifeste que ce monde veille sur elle. La vicomtesse, dont le cœur présentement appartient à la médecine et aux médecins, lui dicte un régime. Adèle recourt à sa sœur Clara et la prie de recevoir Antony à sa place. « Tu lui diras… qu’en l’absence de mon mari, pour moi ou plutôt pour le monde, je le supplie de ne pas essayer de me revoir. « Antony est blessé ; on le transporte dans le vestibule d’abord, pour le monde, puis, sur l’ordre du médecin, dans l’appartement. Et comme ce docteur est homme du monde, il a surpris l’émotion d’Adèle ; et comme il est du dernier bien avec la vicomtesse, le monde qui veillait, épie.

Au second acte, les obligations mondaines perdent Adèle. Antony, remis de sa blessure, réclame