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ALEXANDRE DUMAS PÈRE.

des Brigands, de Werther ou de Childe Harold. Ne voyez-vous pas ce fils de je ne sais pas qui, ce jeune France, qui entre botté et résolu dans la société ? Et à quel point il est de sa race et de son temps ? Par la scène des Enfants trouvés, il renoue avec la pièce d’avant-garde, le Mariage de Figaro, par celle du Hasard, il se rattache à la légende napoléonienne ; quant à celle des Préjugés, qui ne s’avise que la danse commence — je veux dire le drame de tout un siècle, sur lequel nous vivons encore ?

Et tel est le don chez Alexandre Dumas, que l’imagination lui tient lieu, je ne dis pas de raison, mais d’observation. Il n’observe guère ; et, toutefois, il a l’intuition d’une nouveauté qu’il explique faiblement, mais qu’il dramatise fort bien.

La Révolution, donnant l’essor à l’individu, a modifié la condition de la femme et le rôle de l’amour. Non que l’éternel objet de la passion en soit aucunement changé ; mais la forme et les démarches prennent une face nouvelle. Depuis que les « immortels principes » légitiment toutes les ambitions, et que Napoléon, ayant revisé, si je puis dire, le critérium du mérite, a remis en honneur le vigoureux animal humain, la « femme du monde », la femme improvisée, qui a remplacé inopinément marquises et duchesses par la volonté des politiques, la femme idéale, fragile, divine, à qui les romantiques, chantres bourgeois, dressent des autels et prodiguent l’encens, est d’autant plus menacée par les désirs des hommes qu’elle est plus haut située dans l’imagination des poètes. Ce piédestal d’or solide qu’ils ont élevé à sa gloire et sur lequel