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ALEXANDRE DUMAS PÈRE.

populaire venait de créer le drame moderne. L’homme d’imagination de 1830 s’était révélé l’homme d’action de la société nouvelle. Tout au fond d’Henri III et sa Cour s’agitait le drame social. Par « les foyers brûlants » où il a puisé, Dumas donne à entendre cette liaison banale qu’il noua avec Mélanie W*** ; entendez surtout et encore le monologue d’Hamlet qui restitue en honneur la thèse et le « feuilleton » sur le théâtre, et celui de Figaro qui est le drame en puissance. Le décor changé, « le petit animal folâtre » demeure, qu’il s’agite dans l’histoire ou qu’il s’évertue dans le temps présent. Des deux parts, l’individu est la proie de l’imagination. Des deux côtés, mêmes rêves, mêmes appétits et mêmes dépenses d’énergie. Antony le bâtard diffère seulement en ce qu’il étend la main sur tout à la fois, avide de tous les avantages que procure le hasard, dieu du drame et des révolutions. « La France est à moi ! » pense le duc de Guise. « À moi tout ! » proclame Antony. Et, au nom de la Liberté, il est homme à tout asservir, pour affirmer la souveraineté de l’individu et réparer, à coups de passion, les injustices de la naissance. L’amour est la mesure du mérite, et la possession la mesure de l’amour. Par suite, le héros moderne n’est plus d’humeur à galoper en cercle, comme Figaro, ni le drame n’a plus le loisir de s’attarder aux transitions morales et analyses superflues. Antony, dans la course furibonde de ses cinq actes, est moins un cri d’amour qu’un cri d’assaut.

Supprimez en pensée la peinture essentielle des mœurs et du monde, c’est la simplicité même ; non