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ALEXANDRE DUMAS PÈRE.

turpitudes dans une âme despotique, cette reine l’incarne en soi. Toutes les abominations que Dumas a rencontrées dans Brantôme, Jean Second et leur successeur romantique, Roger de Beauvoir (l’Écolier de Cluny), il les lui impute sans marchander. Marguerite est un « vampire » parce qu’elle est une reine. On trouvera les commentaires de cette royale indignité sur les lèvres du citoyen Rocher et de la veuve Tison dans le Chevalier de Maison-Rouge. Victor Hugo se règle sur Dumas, quand il écrit Lucrèce Borgia et Marie Tudor. Pouvoir absolu, absolue déchéance. La royauté même est flétrie en la personne de l’infâme Marguerite. « Autour de moi, pas un mot pour me rappeler à la vertu ; des bouches de courtisans qui me souriaient, qui me disaient que j’étais belle, que le monde était à moi, que je pouvais le bouleverser pour un moment de plaisir. » Le public trépigne d’aise, sur qui soufflent de la scène ces modernes vérités. Désormais conscient de sa dignité propre, il se sent chatouillé en sa fibre la plus intime par la démocratique élégance de Buridan. « Je te parlerai debout et découvert, Marguerite, parce que tu es femme, et non parce que tu es reine. » Ne voilà-t-il pas une distinction judicieuse ? En vérité, Dumas est chevaleresque, et même il est galant. Si la femme eût pu réhabiliter la reine, il y inclinait. Il est, sans y prendre garde, un héritier des larmoyants du xviiie siècle. Il est surtout de son époque où l’autel romantique inaugure le culte de la faible femme. Il n’a pu remettre les crimes que les flots de l’Océan ne sauraient laver ; mais, pour un peu plus, il glissait sur la pente. Marguerite,