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LE DRAME HISTORIQUE ET POPULAIRE.

tradition. On a noté, dans Henri III, avec les souvenirs de Don Sanche l’influence persistante de Corneille, et observé que dans cette œuvre révolutionnaire l’unité de temps est à peine atteinte. Il est bien de sa race. Cette tradition même qu’il sape, il en est un peu ébloui. Par un sentiment héréditaire, les « choses en vers » lui apparaissent comme d’un genre plus relevé. Il y attache d’autant plus de prix que le vers lui coûte plus de peine. Faut-il s’étonner de cette superstition, quand, aujourd’hui encore, nos humanistes, fermement attachés aux beautés supérieures de la tragédie, s’obstinent à définir le drame par comparaison avec un genre qui en est philosophiquement le contraire, et semblent incapables de l’étudier sans arrière-pensée ?

La lutte que Dumas engage contre son génie, par respect de la tradition, est caractéristique. Pour élever son genre, il se débat entre la tragédie, d’où il cherche à extraire le drame, et le drame qu’il essaie de hausser jusqu’à la tragédie. Et il écrit des drames tragiques, œuvres hybrides, de succès inégal et plutôt douteux : Christine, Charles VII chez ses grands vassaux, Caligula, l’Alchimiste. Surtout gardons-nous de croire, sur sa foi (il gardait volontiers rancune aux pièces infructueuses, qu’à la faiblesse des vers fût imputable la médiocre fortune de ces ouvrages. Il a écrit, hors du théâtre, beaucoup plus de poésies qu’on ne croit communément. M. Glinel, dans sa Biographie d’Alexandre Dumas, en a publié un nombre respectable. Dumas n’y est pas toujours médiocre. Il a le mouvement, la couleur et l’image il exprime la passion avec une rare vigueur, une