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LE DRAME HISTORIQUE ET POPULAIRE.

inéluctablement à ce guet-apens invraisemblable et nécessaire : la prédiction de Ruggieri, le mouchoir, le défi, la jalousie ducale, le billet et la clé (l’homme qui broie un bras de femme dans un gantelet de fer n’est pas pour s’arrêter en deçà de la vengeance ; celui qui frémit à la seule vue du page de sa dame n’est pas pour hésiter à mi-chemin du bonheur), et ce nom de Dugast qui sonne comme un glas, et l’orage et la nuit terrible, et le souvenir d’une mère, tout conspire à le perdre, tout, au lieu de le retenir, le pousse à la mort comme par les épaules. Et puis, la logique s’enflamme de folle passion ; et le public français reconnaît ses frénésies imaginaires.

Cette passion explosive, habilement maniée, éclate aux scènes capitales. Elle les embrase ; elle en fait jaillir tout ce qu’elles contiennent d’émotion. Dumas est au nombre des dramatistes qui vont jusqu’au bout. Au milieu de ces coups de tête, de ces chaleurs du sang, de ces fureurs qui brûlent et dévorent, il prend les scènes d assaut ; et, quand il en a épuisé l’effet, d’un mot, d’une réplique il ravive l’intérêt et tend les cœurs jusqu’à les briser. Le pathétique qu’il déchaîne sur le théâtre, est vraiment « une force qui va », non pas aveugle, mais plutôt follement clairvoyante. Brutale, dit-on, et qui secoue les nerfs ? Hélas, les grenadiers et leurs petits, qui en 1829 étaient le peuple, ne faisaient pas tant les renchéris. Ils saluèrent en cette logique délirante, en ces héros d’action et de passion, qui bondissent impétueux parmi les péripéties du drame, ils saluèrent d’enthousiasme les transports de l’imagination française et les souvenirs de la légende,