Page:Parigot - Alexandre Dumas père, 1902.djvu/25

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
13
L’HOMME ET SON TEMPS.

de colosse, entraînant l’homme comme en un torrent. Il sera vraiment « une force de la nature », selon le mot de Michelet, mais en proie à la folle du logis.

L’instruction qu’il reçut ne le gâta point. Le hasard qui en fit les frais, ne fit pas mal les choses. Passons sous silence les deux curés, pédagogues médiocres, qui lui enseignèrent le rudiment. À quinze ans, il ne savait guère que prendre les oiseaux à la pipée et tirer un lièvre adroitement, avec quelques notions d’escrime et très peu d’arithmétique. Joignez les éléments de la musique et quelques leçons de danse et de maintien. Ne parlons point de l’orthographe : il en usa toujours librement avec elle. Braconnier émérite, il est un médiocre grammairien. Mais il lit, à l’aventure, Buffon, Robinson Crusoë, la théorie et le roman de la nature, la Bible, la Mythologie et les Mille et une Nuits, l’épopée et le merveilleux de l’humanité. N’avais-je pas raison de dire que l’occasion ne l’avait pas mal servi ? Puis il dévore Télémaque, où la fantaisie trouve son aliment, et rencontre sous sa main les Aventures du Chevalier de Faublas, livre immoral mais rempli d’invention, qui l’amuse sans le séduire. Ici le hasard joua de malice, mais en pure perte : Dumas, parfois immoral dans ses audaces de tempérament, n’est jamais obscène à dessein ni par inclination. Il réussit mieux en amenant à Villers-Cotterets deux hommes qui devaient exercer une singulière action sur cette cervelle paysanne et la mettre en contact avec les passions de l’époque.

Un officier de hussards, Amédée de la Ponce, prend en amitié le fils du général et lui inspire avec