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ALEXANDRE DUMAS PÈRE.

tentaient son impérieux besoin d’expansion. C’était peu d’emplir les feuilletons de son écriture ; il a fondé des journaux, le Mousquetaire, le Dartagnan, le Monte-Cristo, dont il est l’unique rédacteur et le seul objet. Ces feuilles ne sont pas éphémères, où il n’est question que de lui. De là sont nés des Souvenirs dramatiques, des Causeries, des Propos d’art et de cuisine, où la recette du poulet rôti à la ficelle ou du lapin cuit dans sa peau voisine avec une séance d’hypnotisme, une étude de phrénologie, et d’aimables considérations sur les gorilles. Et il se rencontre que parmi ces divers ouvrages, dont cette extension de soi-même fait la seule unité, il a écrit un petit chef-d’œuvre de menus propos : l’Histoire de mes Bêtes, où le seigneur de Monte-Cristo proche Saint-Germain-en-Laye nous apparaît en pantalon de basin, en chemise de batiste, au milieu de ses parasites, hommes et animaux, mâles et femelles, au centre de son rêve, dans l’intimité de son œuvre et de son existence, et surtout dans la splendeur de cette imagination, dont il est le premier à subir le prestige, rendant justice basse et haute, condamnant le chat Misouff, en cour plénière, et haussant le chien Pritchard au niveau d’un molosse d’épopée.

« Vous alliez nous raconter une histoire, observe un personnage de ses romans. Imaginez-vous, avez-dit… » Le talent de ce conteur tient en ces mots. Il imagine et il s’imagine avec une joie infatigable.