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LE CONTEUR.

de la mémoire imaginative. Avec un plus juste souci de la vérité, il est moins vrai, étant moins vivant. Comparez les deux récits de la « première » de Hernani, celui de Gautier et celui de Dumas. Ce gascon, ce nègre pétulant, exubérant, extravagant, c’est lui qui ressuscite vraiment ces choses, par la vivacité de l’impression qu’il a conservée et qu’il communique. Tout le personnel romantique s’agite ; et plus d’un trait rencontré sans effort dénonce l’homme, non pas celui de la postérité, mais l’individu qui a vécu, lutté, aimé, souffert. De Vigny et Victor Hugo y sont croqués en des coins de tableaux ou de scènes intimes, non par un critique, mais par un contemporain qui les a vus à l’œuvre avant l’heure du piédestal. Artistes grands et moindres y sont saisis au naturel : Johannot, Boulanger, Delaroche, Delacroix, Jacquemont et d’autres. Le monde des théâtres, Mars, Georges, Dorval, Harel, Porcher, revit dans les coulisses. Mais nul n’est plus remuant, plus bruyant, plus ardent que Dumas. Nul n’est mieux peint ni mieux inventé. Il descend dans ses souvenirs, avec un flambeau à la main ; il éclaire sa mémoire à la lueur de son imagination. Celui qui aurait foi en Dumas serait plus que renseigné sur le rôle de Dumas ; peut-être reteindrait-il une figure un peu agrandie du personnage ; mais il aurait une idée exacte de l’homme. Qualités, défauts y sont en pleine lumière. Et ces mémoires, qui sont encore des contes, empruntent presque tout leur intérêt de la vitalité du conteur.

Mais ni romans, ni voyages, ni mémoires ne con-