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ALEXANDRE DUMAS PÈRE.

de Jérémie, île et côte de Saint-Domingue, et d’Élisabeth Labouret, son épouse. Il avait pour grand-père maternel Claude Labouret, hôtelier audit Villers-Cotterets et commandant de la garde nationale. Son grand-père paternel, ancien commissaire d’artillerie, Antoine-Alexandre Davy de la Pailleterie, mort à Saint-Germain-en-Laye en 1786, avait épousé une négresse, Marie-Cessette Dumas, décédée en Amérique, à la Guinodée, en 1772. Marquis par son père, plébéien par sa mère et demi-nègre par sa grand’mère, Alexandre Dumas ouvre les yeux au « soleil de Thermidor » en attendant que son cerveau tropical s’échauffe « sous les soleils d’Austerlitz ». Il est, en vérité, un privilégié de la naissance : je veux dire qu’il prend bien son temps pour venir au monde et y prospérer.

Il a grandi, à l’aurore du siècle, dans une lumière radieuse à peine cernée par un nimbe de sang, au bruit des chevaux et des armes, bercé par les récits d’événements extraordinaires qui, depuis tantôt quinze années, ébranlaient les têtes françaises. Le destin, qui dispense aux peuples les émotions vives, faisait à la France pleine mesure. Ces enfants, nés avec les temps nouveaux, le soir, à la veillée, voyaient « les aïeules branler la tête » au souvenir du passé ; et pendant que les anciens contaient l’époque récente et déjà légendaire, où le peuple, las de souffrir et emporté d’un élan superbe, sauvait la patrie et fondait la liberté, ils s’endormaient, les petits d’hommes libres, sur ce mot magique, qui avait coulé tant de deuil et qu’ils entendaient prononcer avec une fierté douloureuse. Et le sang coulait encore