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LE CONTEUR.

envoie Dumas en mission pour faire connaître l’Algérie en France (1846). Dumas revient publiant les beautés de notre justice là-bas. Il écrit ailleurs une étude du vol en Russie. Il campe en pied des types d’indigènes, et même de touristes, qu’on n’oublie point. Il nous vante les poules de M. de Chateaubriand, excelle aux petits tableaux de mœurs, mêlant par un insensible passage le sourire aux larmes. Qui n’a goûté au second volume du Voyage en Suisse, l’Histoire d’un âne, d’un homme, d’un chien et d’une femme ? Qui n’a présente à la mémoire l’ingénieuse façon dont le conteur fit passer le ruisseau au roussin récalcitrant et l’émotion subséquente qui lui coupa l’appétit ?

Car l’intérêt du voyage ne se conçoit point sans lui. Au rebours de M. Perrichon, il se sent infini en présence de la nature. Sa géographie est encore une fiction romanesque, dont il est le grand plasmateur. Dans la série de ses Impressions de Voyage il n’a rien imaginé plus richement, rien écrit avec plus d’esprit que son exode De Paris à Cadix et sa traversée sur le Véloce, où il joue un personnage quasiment officiel, où il voyage sur un navire de l’État, où fonctionnaires, gouverneurs, gitanes, toreros, artistes sont à ses pieds, où il fait dans les villes des entrées triomphales, entre ses gardes du corps Giraud, Boullanger, Maquet, Desbarolles, le fidèle Eau de Benjoin juché sur les bagages, et le « petit Dumas » qu’il égare en route, où il est enfin dans le vif contentement de sa fantaisie et la complète expansion de sa personnalité, c’est-à-dire dans le plein de son talent, — malgré la méchante mine