Page:Parigot - Alexandre Dumas père, 1902.djvu/153

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
141
LE ROMAN DE L’HISTOIRE.

intrigues politiques, des Descartes et des Pascal qui, pour le dire en passant, ne vécurent pas ignorants de ces mœurs militaires ou mondaines. Mais que de grâce, d’élégance, de décision, de vigueur et d’esprit chez ces jeunes hommes qui se joignent par l’épée avant d’être réunis sous la casaque ! Il n’est pas jusqu’à Mme Bonacieux qui ne mette le courage plus haut que la vertu.

D’Artagnan, gascon adroit, avec son doigt caressant sa moustache, Porthos, infatué et musclé, Athos, grand seigneur un peu romantique, Aramis, qui pince son oreille pour l’avoir rouge et fleurie, Aramis, le discret Aramis, qui cache sa religion et ses amours, fringant élève des bons pères (non inutile est desiderium in oblatione), ces quatre amis, et non pas quatre frères, comme l’avait imaginé Courtils, figurent les quatre points cardinaux de notre pays. Avec quelle persévérance et quel entrain, on le sait de reste ! Ils accomplissent le plus simplement leurs prouesses. Ils brûlent les étapes, ils franchissent les obstacles avec cette belle humeur qui relève chez nous le courage. Le voyage à Calais, indiqué seulement dans les Mémoires, est digne des campagnes d’Italie pour la rapidité d’exécution. Et lorsqu’Athos s’érige en juge de son abominable épouse, n’oublions ni les cours martiales ni les tribunaux révolutionnaires. Si Danton et Napoléon furent les professeurs de l’énergie française, Dumas en est le romancier national dans les Trois Mousquetaires. Son roman est aussi dramatique que le leur — mais plus souriant et d’un agrément plus continu.