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ALEXANDRE DUMAS PÈRE.

lui dit Dumas d’enthousiasme : c’est-à-dire poussez les recherches et apportez-moi le bonhomme dans son milieu historique et moral. Le même soir, il traite avec le Constitutionnel et reçoit les arrhes de son œuvre à venir. Cependant un différend survient entre Maquet et lui. Pressé par le journal, il n’a pas le loisir de compulser les documents ; et, l’eût-il, il les ignore. Que faire ? Bravement, il s’exécute, et lance à travers son nouveau feuilleton un Ange Pitou dont la jeunesse est une transposition de la sienne propre, et qui prend la Bastille.

Mais sur des textes soigneusement dépouillés et choisis il imagine aussi le roman d’Acté, où revivent la Grèce et la Rome antiques. Scott n’en eût jamais écrit les deux cents premières pages ; Renan, qui conta le martyre de Blandine, ne les eût pas désavouées. Tacite, Suétone et saint Paul sont les garants de tant d’érudition. Dumas n’y fait point un seul pas, qu’il ne pose le pied sur un document : l’entrée de Néron dans les municipes par les pans des murailles abattues en son honneur, la Maison Dorée, la statue colossale, les portiques immenses, et les soupers de Baïes, et les jeux du Cirque, et la lutte de Silas, et l’estrade du prince, et les lettres venues de Gaule qui interrompent le spectacle, tout ce roman est pris des bons auteurs, sans omettre la fuite de Néron et sa mort dans la villa de Plancus. Mais avec quelle grâce, oui, et quelle aisance d’imagination cette époque prodigieuse se ranime sous nos yeux ! À ces merveilles d’illusions amassées à grands frais par l’artiste dément (qualis artifex perco !) Dumas joint l’illusion vivante de son