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ALEXANDRE DUMAS PÈRE.

sa méthode critique. Je ne suis pas assuré que Dumas eût seulement entendu ces deux mots. Après avoir appris de mémoire un manuel en quatrains, il s’enfonce dans les chroniques, journaux, mémoires, pamphlets, sur lesquels la collection Petitot venait d’attirer l’attention.

Documents authentiques ou apocryphes, de première ou de troisième main, il les exploite comme une mine. Il y prend un plaisir extrême, plaisir d’imagination, qui est chez lui la veine féconde. Il y découvre un sire de Giac qui fut à la droite de Jean sans Peur, dans la rencontre du pont de Montereau. Et, pendant une partie de chasse, le peintre Boullanger lui ayant esquissé sur place un croquis de ce pont fameux, Dumas s’empare du croquis, dévore les textes, « déterre du monument » une femme infidèle, se souvient à point nommé de Lénor, ballade de Burger, qui l’émut dans sa jeunesse, et écrit d’affilée sa Légende du sire de Giac. Il traite l’histoire comme un décor où la passion s’agite. Il anime les almanachs, dessine les costumes, lance ses personnages à la poursuite de leurs désirs, rarement de leurs idées, et les fait dialoguer à l’aise. S’il lui arrive de discourir en son propre nom, le régal est de haut goût. En ce cas, n’attendez pas de lui l’historien impassible. Il étale sa foi dans sa philosophie des petites causes, qui est d’un bon dramaturge. Armé de cette doctrine, il aborde les idées générales. Avec l’ardeur d’un héros d’Homère, il suspend sur nos têtes d’énormes quartiers de synthèse, de redoutables blocs de métaphysique. Il rassemble son courage « pour descendre d’un pas