Page:Parigot - Alexandre Dumas père, 1902.djvu/120

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
108
ALEXANDRE DUMAS PÈRE.

timents qui les séparent et à passer doucement de l’indifférence à la jalousie et de la jalousie à l’amour par le jeu naturel du cœur.

Le jeu du hasard prévaut ici, du hasard combiné avec des oppositions piquantes. Et comme, même dans ses erreurs, Dumas est toujours un homme de théâtre incomparable, les actes sont habilement coupés, l’intrigue machinée, l’intérêt suspendu, l’émotion dosée, et renouvelée par des mots qui projettent une lumière toute vive. Toutefois l’artifice ne fut jamais plus manifeste, ni l’habileté plus fâcheuse. Au lieu d’une double évolution de sentiments, qui fait le véritable prix d’une comédie psychologique, c’est une partie carrée de bal d’Opéra qui se dessine, et comme un pas de quatre qui s’annonce. J’entends bien que l’esprit pétille ; mais ce feu d’artifice, tiré dès le début, ne me dissimule point la charpente agencée avec trop de symétrie en une affaire où tout l’intérêt devrait être intérieur. Je vois bien qu’à la fin de l’acte I l’indifférence conjugale s’enferme au verrou et s’assied à son clavecin, que Monsieur commande sa voiture et se rend chez sa marquise. « C’est égal, voilà une singulière nuit de noces », observe Marton. Il n’y a que les femmes de chambre pour avoir tant d’esprit. Et je vois encore qu’à la fin du IIe, Madame s’avise qu’elle aime le chevalier avec beaucoup de raison, et se met en tête d’être coquette avec quelqu’un qu’elle ne nomme pas encore ; que, le IIIe fini, on se déteste, donc on s’aimera ; et que, le IVe terminé, le rapprochement se fait enfin. Je vois tout cela, parce qu’on me le met sous les yeux avec une habileté scénique