Page:Parigot - Alexandre Dumas père, 1902.djvu/102

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
90
ALEXANDRE DUMAS PÈRE.

pelle Argan vérifiant son compte d’apothicaire ? Certes, Dumas, en 1854, ne subit pas encore l’influence de son fils. Mais, parce qu’il a le drame dans les moelles, il plie son imagination, lui, le père de Monte-Cristo, à ces misères de la vérité matérielle, et il construit le Marbrier (je ne dis pas qu’il le déduit), avec une manière de logique positive qui prépare l’avenir. Et puis, lorsqu’il a bien tiré tout l’intérêt dramatique de « ce faux perpétuel et vivant » dans une famille, il s’échappe tout de même vers le nuage bleu, ouvrant encore la voie à l’auteur de Monsieur Alphonse et de la Femme de Claude : « mon Dieu ! que vous êtes bon ! que vous êtes grand ! » Nous retrouverons bientôt ces extatiques prières appliquées, comme un baume, à l’extrême dialectique.

Le sens du drame moderne est si extraordinaire en Dumas que, revenant à ses lectures de jeunesse, il y puise des émotions et des inspirations toutes neuves. Lorsqu’on 1849 (vingt-deux ans avant la Visite de Noces, vingt-quatre avant la Femme de Claude, vingt-sept avant l’Étrangère), il donne le Comte Hermann, des journalistes, avec leur habituelle assurance, déclarent que la pièce est traduite de l’allemand. Il les défie de nommer le modèle. Ils ne le nomment point, et pour cause. Dumas avait repris l’idée d’une comédie, la Jeune Vieillesse, tombée sous les quolibets. Puis il y avait accommodé ses souvenirs de Gœtz de Berlichingen et surtout des Brigands, qui ont exalté sa jeunesse. Mais souvenirs, impressions, moyens techniques se transforment. Ce n’est pas tant, comme il feint de le croire, que les passions s’apaisent : le comte Hermann est encore, par ins-