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ALEXANDRE DUMAS PÈRE.

grâce de sa prodigieuse imagination, il l’a orienté, à tous les moments de son existence, par une grâce non moins étonnante de son tempérament dramatique, dans le sens de la vérité et de la vie sociales. Il n’est que temps de s’en aviser ou d’en convenir.

Pendant qu’avec une fécondité parfois illusoire, qui n’est que doigté de métier, il ressasse les effets du gant de fer ou de la porte rebelle, fatiguant dans la pratique des procédés qui furent d’abord des trouvailles, pendant qu’il divise les actes, suspend les scènes, multiplie les tableaux, allonge les soirées du boulevard, découpe le drame dans le roman, et fait craquer le cadre des théâtres populaires, tantôt émule d’Eschyle et tantôt de Shakspeare, et parfois inlassable imprésario de Monte-Cristo — il lui arrive de se ressaisir et de retrouver sa conviction et son inspiration d’artiste dans ce perpétuel commerce avec le public qu’il surveille et devine. Or, ce public incline désormais vers autre chose. « Il y a des époques où un peuple est calme comme un lac. Il y a des époques où un peuple est tempétueux comme un océan. La voix qui parlera à ce peuple sera-t-elle toujours la même ? » dit-il dans la préface du Comte Hermann. Ni les caractères ne seront aussi calmes, ni les passions aussi chastes qu’il l’affirme : un Dumas n’abdique point. Mais il est vrai qu’après 1840, son idéal dramatique se transforme, quand il fait œuvre d’art ; que, sans rompre avec l’imagination, il s’écarte de la légende, et, avant de prendre l’essor, s’assure préalablement sur la réalité. En 1847, il traduit Intrigue et Amour, drame domestique