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Par un beau soleil d’été nous voguons sur la rivière Abittibi entre deux haies de 90 à 100 pieds de hauteurs. Le soleil de midi nous plombe sur la tête et le thermomètre marque 98°. C’est à tel point que dans une boîte de fer-blanc soigneusement fermée, ma chandelle se tourne en liquide et mes allumettes en charbon. Il fait soif ; mais la Rivière Abittibi assez semblable à la rivière Rouge sous ce rapport comme sous beaucoup d’autres, ne roule à nos côtés qu’une eau boueuse et tiède. Comment rafraîchir nos poitrines haletantes ? — Plusieurs s’en souviennent,… nous nous croyions sous la zone torride… Mais attendez ; le canot s’approche du rivage, et sans sortir de notre embarcation, nous puisons à plein gobelet une eau pure et glacée qui s’élance du taillis avec un agréable murmure.

Mettons-nous pied à terre, et faisons-nous quelques pas dans la forêt, un frisson nous saisit, vous vous croyez dans une cave ou plutôt dans une véritable glacière. D’où vient ce phénomène ? — Creusez la terre et vous aurez la solution du problème. Quand vous aurez enlevé 18 ou 20 pouces de détritus, et, qu’à une profondeur d’une couple de pieds, la glaise vous apparaîtra dure et crystallisée comme au cœur de l’hiver, vous comprendrez si c’est la Baie-d’Hudson qui nous gèle, ou bien les millions d’âcres de forêts qui retiennent à leur pied la neige jusqu’à la mi-juin, et qui, d’un bord à l’autre de l’été, repoussent obstinément tous les efforts des caloriques pour arriver au sol.

De la terre à l’atmosphère, et de l’atmosphère à la terre, le froid se trouve donc enfermé comme dans un cercle vicieux.

Maintenant, quand le soir arrive et que le soleil retire ses bienfaisants rayons, comme il ne se trouve aucune provision de calorique ni dans l’atmosphère ni dans le sol, et qu’au contraire, celui-ci laisse échapper ses froides exhalaisons, peu-à-peu, l’air se condense