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vaillait, l’on voyait, sous la chemise de flanelle les muscles saillir. C’était un mâle dans toute l’acception du mot. Les traits accentués, les yeux gris fer, les pommettes des joues saillantes, le nez large aux narines mobiles. Aux rares moments où il riait, il laissait apercevoir deux rangées de dents fines et blanches, de vraies dents de carnassier.

Mariette, les premiers temps, s’était sentie intimidée devant la dureté de son regard, mais bientôt son intuition de femme lui fit pressentir que ce grand jeune homme au teint bronzé, à l’expression désabusée, souffrait d’un chagrin ignoré.

À son insu, la pitié évolua en un autre sentiment plus doux, plus tendre.

Pas plus qu’il n’avait avoué l’affection naissante qu’il nourrissait pour elle, pas plus elle n’avait laissé deviner qu’il pouvait être autre chose que ce qu’il était présentement : un ami.

L’année passa, et la demie d’une autre.

Mais quand, l’automne venu, il annonça à ses hôtes que Joseph et lui, avaient l’intention de s’enfoncer plus avant dans la forêt, et d’y trapper l’hiver durant, elle pâlit un peu et ses yeux levés sur le jeune homme la trahirent.