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Il était taciturne, se tenait à l’écart, ne se faisait pas d’amis. Pour tous, il demeurait l’étranger.

Parce qu’il était fort, et qu’une fois, à l’aide de ses poings, il avait imposé l’idée de sa force, on le craignait. Nul ne se serait permis devant lui une remarque désobligeante.

Il ne s’attachait nulle part, ne s’arrêtant jamais plus de quelques mois au même endroit. Chaque village, chaque localité le laissait indifférent. Ce n’était pour lui que des déserts d’hommes où il se sentait seul, irrémédiablement seul.

Il connaissait déjà pour en avoir été la victime, l’humaine cruauté. Il savait les hommes pires que les animaux, et qu’ils s’acharnaient à la curée, quand une proie facile pantelait devant eux.

Toujours une image hantait son cerveau, celle d’un être dont il était le fils, et qui se balançait dans le vide, la figure violacée, la langue pendante hors de la bouche, les yeux vitreux.

Son cœur se fondait de tristesse en songeant à ce que cet être, son père, avait souffert dans l’expiation d’un crime qu’un instant de folie avait permis.