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Depuis le jour de la révélation, il était bien décidé à quitter, et définitivement, le toit des époux Jodoin. Même la date de son départ en était fixée. D’ici là, il travaillerait ferme, remboursant de ses sueurs, la dette contractée, capital et intérêts.

Les parents adoptifs sentaient planer sur eux la menace de ce départ.

Ils n’en concevaient ni peine ni chagrin, mais, attachés à la matière dont leur âme grossière difficilement s’évadait, ils envisageaient dans ce départ une perte d’argent par la main-d’œuvre supplémentaire qu’il exigerait. Et cela les affligeait.

Le jour de l’échéance arriva. Jacques se considéra libéré de tous sentiments de gratitude ou de reconnaissance. Il ramassa ses hardes, et sans aucune explication, franchit, pour ne plus revenir, le seuil de la porte et s’engagea chez un autre colon.

Ce départ, auquel elle s’attendait pourtant, augmenta chez madame Jodoin un dépit qui la rongeait et qu’elle ne pouvait plus celer. Son aigreur s’envenima. Elle éprouva le besoin de l’extérioriser, de la faire partager.