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C’est l’un des tristes privilèges du cœur humain que de se souvenir.

Jacques s’était souvenu ; il avait souffert de se souvenir.

Comme il s’était vengé de Mariette, elle se vengeait de lui, s’attachant à chacun de ses pas, le poursuivant de toutes les séductions entrevues, faisant luire le mirage trompeur des voluptés repoussées.

À certains soirs de fatigue, où, parmi la foule de ses compagnons de travail, il se sentait seul, irrémédiablement, il entendait de vagues et nostalgiques appels de tendresse comme si sa sensibilité morte s’éveillait dans le cercueil de son cœur.

Ces velléités duraient peu. Il s’acharnait à les étouffer, à les détruire, et, il y réussissait. À mesure que les mois fuyaient, la plaie davantage se cicatrisait ; les évocations de bonheur perdu se faisaient de plus en plus rares.

Et maintenant, rien ne subsistait de ces déprimantes songeries.

L’oubli s’est fait ; le calme est recouvré.

Physiquement, il n’a pas changé. Les misères inhérentes aux existences nomades, ont passé sans laisser de traces.