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est mort, définitivement mort. J’ai fait un beau rêve, un cauchemar horrible. Je me réveille, enfin ! »


III


— Allo !  ! Brossard ?

— Oui, lui-même.

— Victor Duval. Parmi les propriétés que tu as en main, y a-t-il un cottage soit à Westmount ou à Outremont qui me conviendrait.

— J’en ai un sur le versant de la montagne. C’est un petit château. Le propriétaire est mort il y a un mois. La veuve veut partir pour le Sud des États-Unis. Elle est prête à faire des sacrifices…

— Combien demande-t-elle ?

— Je crois qu’on peut acheter pour $75 000 pour du comptant.

— Peut-on visiter aujourd’hui.

— Certainement, j’irai te prendre tout à l’heure chez toi.

Le cottage plut à Victor Duval qui l’acheta.

Il alla ensuite chez M… et les chargea de la décoration et de l’ameublement.

Il réunit le bureau de direction de sa compagnie, régla toutes les affaires pendantes et annonça son intention de faire une croisière en Orient. Il serait absent six mois.

Devant la demeure des Potvin, un jardin de fleurs offrait aux baisers du soleil ses mille et une nuances de couleurs, et en hommage au jour ses mille et un parfums.

Au milieu des fleurs une jeune fille travaillait.

Elle les sarclaient, les taillaient, les entretenaient.

Elle s’arrêta. Quelqu’un ouvrait la barrière.

— Monsieur Duval, s’écria-t-elle. Elle rougit, pâlit et demeura interdite quelques secondes.

Son cœur battait bien fort dans sa poitrine.

— Bonjour Pierrette, fit l’homme.

La voix rauque s’était adoucie. La figure souriait.

— Pierrette… et gauchement, il tourna sa casquette entre ses doigts.

— Pierrette… viens-tu en auto avec moi…

Elle consentit. Il s’installa au volant, elle près de lui. Il ne parlait pas. Il était heureux sans savoir pourquoi.

Il arrêta son moteur à un endroit d’où la vue embrasse d’un côté la mer où se baigne une île aux contours sinueux, et de l’autre une chaîne de montagnes tourmentées.

Sans chercher de phrases plus longtemps, il l’attira à lui, la pressa sur sa poitrine et à l’oreille, il lui murmura :

— Pierrette… je t’aime ! M’aimes-tu ?

— Oui, répondit la voix claire…

Deux semaines après, on lisait dans les journaux : « M. Victor Duval, le magnat de la navigation, s’est embarqué hier à bord de l’Empress de France. Il était accompagné de Mme Duval, née Pierrette Potvin. Les heureux époux sont partis pour une croisière en Orient. À leur retour, ils habiteront Montréal,… Boulevard Westmount. »


… FIN…



Ville Lasalle, juillet-décembre 1926.