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— I —


All right ! Je t’accorde cette chute, fit Victor Duval, en se relevant. La sueur lui coulait le long du visage et du torse qui était complètement nu.

— Tu as bien appliqué ton « ciseau de corps » cette fois. Combiné au « bras roulé », c’est une prise effective.

Il aspira quelques bouffées d’air, qu’il exhala en se comprimant la poitrine de ses deux mains.

Janvier Brossard, son compagnon, s’était étendu sur le matelas, couché sur le dos, la tête appuyée sur son coude renversé. Il haletait bruyamment, exténué par l’effort.

— Six heures et vingt, dit-il après un coup d’œil sur l’horloge. Il y a quarante minutes que nous luttons…

— Sans résultat puisque nous n’en sommes que chute à chute. L’on continue ?

— Pas tout de suite. Laisse-moi prendre vent.

Dans le gymnase, des jeunes gens, peu nombreux à cause de l’heure, se livraient aux exercices du corps. Les uns, beaux comme des athlètes grecs, entretenaient leur virilité. D’autres, plus chétifs, travaillaient, par une culture physique rationnelle, à développer les forces latentes en eux.

Pendant que les uns, sur les barres parallèles ou fixes, les anneaux ou les trapèzes accomplissaient des tours qui tenaient presque de l’acrobatie, d’autres jouaient à la paume, ou, à l’aide d’extenseurs fixés à la murailles se livraient à des mouvements rythmiques des bras et des jambes.

Parfois, des joueurs de billards ou de quilles avant de quitter le « club house » faisaient une courte apparition dans le gymnase.

— Bonsoir, Monsieur Duval, fit un nouvel arrivant. Vous vous tenez toujours en forme ?

— Toujours ! La concurrence, en affaires, est tellement grande, qu’il faut être en possession de tous ses moyens pour réussir. Et puis, voyez-vous, j’aime la lutte pour la lutte. Même, quand je suis seul avec mon adversaire, je déploie autant d’énergie et de ténacité qu’un professionnel de l’arène, quand le championnat est en jeu…