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Chez quelques-uns, il faut parler de bestiaux, admirer la bonne tenue de leurs troupeaux ; d’autres vanter la belle apparence de leur ferme. Il y a des gens chez qui il faut embrasser toute la marmaille.

C’est là un travail qui demande une certaine psychologie mais que l’on acquiert vite après quelques jours de campagne.

Chez nos hôtes, il fallait les féliciter de leur jolie famille. La tâche en était facile.

Sous les compliments pourtant sincères, les joues des deux jouvencelles rougirent davantage, jusqu’à ressembler à des belles pommes fameuses.

— Vous avez d’autres enfants ? demandai-je à Madame Lambert.

Le front maternel se couvrit d’une ride de plus.

Elle s’approcha d’un secrétaire près de la fenêtre et me montra la photographie d’un jeune homme.

— J’avais un garçon. Il a été tué dans un accident de chasse.

— C’était un bel homme, fis-je en examinant le portrait.

— Oui monsieur, c’était un beau garçon, pis un bon garçon. Fort comme quatre, et travaillant avec ça.

— Et cette religieuse, fis-je, en lui montrant un cadre voisin.

— Ça c’était la fiancée de mon garçon, une fille dépareillée, ben instruite.

Et comme mue par un besoin de revivre des souvenirs douloureux, Madame Lambert me raconta la simple et pourtant tragique idylle de son fils Ernest avec Rose-Marie Charron.

— Tenez Monsieur, quand ils ont apporté mon Ernest, c’était par une belle journée comme aujour-