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la mystérieuse inconnue

reprises et demande de l’appeler immédiatement à Main… »

— Bon, voilà que ça recommence songea-t-il et un mot qui n’avait rien de distingué ni de diplomatique s’échappa de ses lèvres. Il sonna sa ménagère, décidé à éclaircir ce mystère qui l’enveloppait. À la fin, il commençait à être lassé de ces intrigues autour de lui et il décida d’y mettre fin une fois pour toutes.

Idola questionnée ne put apporter aucun éclaircissement.

C’était bien elle-même qui avait reçu l’appel téléphonique. La personne à l’autre bout du fil avait une jolie voix et paraissait anxieuse de lui parler. Elle n’avait pas voulu se nommer et s’était contentée de s’appeler Mademoiselle X…

En appelant au numéro précité et en la demandant sous ce nom, on comprendrait. Elle avait de plus ajouté que c’était pour une affaire très importante.

— Que le diable l’emporte elle et toutes ses intrigues, grogna le jeune homme après avoir congédié sa cuisinière.

Mais à peine était-il installé depuis une heure, mettant ordre à ses affaires et commençant à rédiger son projet de compagnie, que le téléphone sonna.

Il répondit lui-même.

— Monsieur Dumas est-il chez lui, demanda une voix qu’il crut reconnaître.

— C’est moi-même, Mademoiselle, répondit-il d’un ton bourru.

— Monsieur Dumas… il y a…

— Il y a quoi ?… je suis très pressé.

— Il y a que le danger vous menace.

— Vous m’ennuyez avec ces dangers, ces conspirations… fichez-moi la paix et ne me dérangez plus pour ces sornettes.

La voix se fit suppliante.

— Monsieur Dumas… je vous en prie, écoutez-moi.

— D’abord qui êtes-vous ?

— Mon nom vous importe peu… ce que j’ai à vous dire est très important et je ne puis vous le dire au téléphone.

— Alors où puis-je vous rencontrer ?

— Ce soir à six heures… au coin de telle et telle rue… Venez seul et ne parlez à personne de cette entrevue, c’est plus grave que vous ne croyez.

— C’est entendu, j’irai… à ce soir.

Et brusquement il raccrocha le récepteur.

« Encore le roman feuilleton qui recommence ». Mais cette fois je vais en avoir le cœur net.

Il essaya de s’absorber dans son travail. Ce fut inutile. Bien que ne voulant pas paraître, encore moins se l’avouer, il était intrigué. Déjà son imagination battait la campagne, il avait hâte d’être à six heures pour posséder enfin la clef de l’énigme.

Incapable de travailler plus longtemps, il remisa ses papiers et ses documents dans le coffre-fort et s’enferma dans un cinéma pour le reste de l’après-midi.

Vers cinq heures et demie, il sortit et se dirigea à pied vers l’endroit du rendez-vous.

Quelle ne fut pas sa surprise de se trouver face à face avec l’inconnue de ses rêves. Décidément, le destin se plaisait à mêler les cartes et cette jeune fille qu’il le veuille ou ne le veuille pas, s’implantait dans sa vie.

Qui était-elle ? Une intrigante qui en voulait à son argent ? Son air candide et l’expression de franchise qui la caractérisait éloignaient cette hypothèse. Et puis, une fois elle lui avait rendu service et la lettre d’avertissement venait à son heure.

Alors, par quels enchaînements de faits et de circonstances était-elle au courant du complot tramé contre lui ? Appartenait-elle à l’Underworld ? Là encore l’hypothèse était inadmissible.

— Mademoiselle, fit-il en se découvrant et d’une voix polie et douce cette fois-ci. C’est vous qui m’avez téléphoné cet après-midi.

— Oui, Monsieur.

Elle regardait autour d’elle pour voir si on ne les verrait pas.

— Il faut faire attention qu’on ne nous voit pas ensemble. Suivez-moi.

Et elle l’entraina dans de petites rues du quartier de la finance, peu fréquentées à cette heure-ci du jour et où personne de ceux qu’elle redoutait ne pourrait l’apercevoir.

Alors elle lui raconta la trame du complot ourdi contre lui ; elle lui conta les détails, comment on s’y prendrait pour l’attirer hors de la ville, l’adjurant de n’en rien dire à son chauffeur, de faire comme s’il n’était au courant de rien, et de s’esquiver de l’auto à la première occasion.

Et pendant qu’elle parlait, il l’examinait et la trouvait belle, beaucoup plus belle que Julienne. Il ne pouvait s’empêcher d’admirer la pureté de ses lignes, le velouté de ses joues et la profondeur de son regard à la fois prenant et doux. À côté d’elle il n’éprouvait pas cette fièvre qui l’avait poussé à écraser ses lèvres. sur les lèvres de Julienne Gosselin. Au contraire, c’était un sentiment très tendre, très chas-