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Cette conclusion est absurde. Il lui répugne d’en venir là.

Depuis son retour, repris dans l’ouragan où il vit et aime à vivre, il n’a rendu aucune des visites promises ; il n’a donné le moindre signe de vie.

Elle lui a téléphoné un soir. Il a répondu poliment mais sèchement. Elle l’a rappelé une seconde fois, quelques semaines après ; il fut insolent, demandant à ce qu’on ne le dérange plus.

Devant ce qu’elle lui offre de bonheur, n’aura-t-il toujours qu’une moue de dédain ?

Si c’était possible, elle le détesterait. Sa conduite l’injurie.

Mais, est-ce possible de l’oublier ? Est-ce possible de le détester ? Le voudrait-elle qu’elle n’en aurait pas la force.

Elle revit les frémissements de ferveur qu’elle a connus à son bras, un soir de lune, quand, chaussés de leurs raquettes, ils ont escaladé le Mont Tranquille.

Elle se revoit sur le sommet, en pleine nuit, pendant que craquaient les branches, et que seuls, au milieu de cette nature troublante, ils admiraient, le panorama, à perte de vue ; le village avec ses maisons de bois, son église au clocher couleur de rouille ; le lac à leurs pieds endormi puissamment sous sa blanche couverture. Elle en distinguait toutes les baies, celle du Désespoir, celle du Gibraltar, celle du Cheval Infirme. Plus loin la chaîne des montagnes s’étendant jusqu’au plus loin recul de l’horizon. Les massifs d’arbres, solennels, mystérieux, conversaient, dans la nuit avec de grands gestes bizarres.