rons pieds et poings liés, vendus aux Américains et aux Anglais. J’ai eu d’autant plus de plaisir à écrire mon article que j’ai frappé deux coups d’une pierre. J’ai servi l’intérêt public et l’intérêt privé. Il est assez difficile de concilier les deux que pour une fois…
Quelqu’un frappe à la porte. Le rédacteur s’esquive et un homme très grand et très gros entre, le chapeau sur la tête.
— C’est vous Lucien Noël.
— Moi-même.
— Je n’ai pas à vous féliciter de votre dernier article.
— Je le regrette, mais ça ne lui enlève rien de sa portée.
En regardant son interlocuteur, Noël, reconnaît pour en avoir vu la photo dans la « Presse » un des coulissiers les plus intrigant du monde parlementaire, Léon Pélissier, conseiller législatif et un des principaux personnages de son parti.
Léon Pélissier parle fort, est toujours d’humeur maussade. Personne ne lui résiste. Du moins il s’en vante. Il passe pour très fort en psychologie et connaître le point faible des individus. Cela lui a permis de faire le beau et le mauvais temps à Québec. Quand quelqu’un tire au flanc, son parti le charge de régler l’affaire. C’est lui qui confiait à son ami un soir :
— Tous les députés s’achètent. Le prix varie depuis un verre de scotch au Château jusqu’à dix mille piastres.