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plongés dans les siens pendant qu’elle lui a dit cette phrase que le timbre de la voix avait rendue caractéristique « J’espère que j’aurai le plaisir de vous revoir. » C’était cela qu’elle méditait : renouer les anciennes relations… elle veut le reprendre… ou plutôt se donner à lui…

Comme si la conversation, soudain, l’ennuie, il répond avec un geste las :

— Tu as tort…

Puis, il se ressaisit, et la voix âpre, il continue en s’échauffant graduellement :

— C’est une bêtise que de donner une partie de son cœur, la moindre soit-elle, à une femme. C’est indigne d’un homme, d’un homme vrai, dont le cerveau est et doit rester le maître. Tôt ou tard on est trompé. Il n’y a qu’une personne qui ne nous trompe pas. — Et encore on n’en est jamais sûr : c’est soi. Allons, redresse-toi. Ne sois pas une poule mouillée. Et puisqu’elle t’a dédaigné, dédaigne-la à ton tour ; c’est la seule consolation des amours malheureuses. Ne la déteste pas. La haine c’est encore de l’amour. C’est de l’amour qui ne peut plus en être. Si tu la détestes tu seras forcé d’y penser et entretiendras le culte de son souvenir. Le dédain ! l’oubli ! Voilà les seuls remèdes… Et ton bureau ?… Tes affaires ?

— J’ai tout abandonné.

— Femmelette… tout abandonné… pour une question de sentiment.

— Je ne puis m’empêcher d’y penser. En dehors d’elle rien n’existe.