La foule se presse ; elle ondule, elle oscille. Des têtes émergent, le cou tiré, pour mieux voir.
— Vous n’êtes pas satisfaits de ce que vous gagnez ? Est-ce que je ne vous paye pas bien ? Vous avez un salaire plus élevé qu’ailleurs.
— C’est pas là qu’est la question. On veut être augmenté et on va l’être, sinon…
— Sinon ?
— Sinon… Faites attention à vous.
— David, n’essayez pas de m’intimider. Je suis le maître ici et je ne veux recevoir d’ordre de personne. Que ce soit compris. Maintenant, vous allez retourner à vos postes, immédiatement, tous.
La Foule gronde, menaçante. Personne ne bouge.
Faubert devient exsangue ; les lèvres se contractent.
— Vous m’avez entendu, vous allez retourner à vos postes.
— Nous n’irons pas, rétorque David.
— Vous n’irez pas ? C’est ce que nous allons voir.
Il enlève, tranquillement, son veston qu’il dépose sur le bras de Roberge.
— Casses-y la gueule, David, hurle quelqu’un.
Comme un écho amplifié à l’infini, la Foule fait entendre un rugissement. La colère comprimée éclate enfin. Le meneur, exaspéré, confiant dans sa taille et dans sa force, les tempes bouillonnantes, les prunelles injectées de sang,