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Pour une raison insignifiante, il a cessé brusquement de venir me voir, et cela, au moment où je commençais d’éprouver beaucoup d’affection pour lui. J’étais jeune alors, un peu légère ; je me consolai. Je pensais l’avoir si bien oublié que si, d’une façon aussi providentielle qu’imprévue, je ne l’avais rencontré un mois avant mon mariage projeté, je serais aujourd’hui Madame Henri Roberge.

Tu te rappelles si la rupture avec mon fiancé a fait parler les gens. Personne n’en savait la véritable raison. Je te la confie : la raison unique est précisément cette rencontre dont je viens de te parler. En revoyant Jules je me suis aperçu qu’il était tout pour moi. J’ai ressenti en sa présence quelque chose que je ne puis te définir. J’ai été attirée vers lui, littéralement. En le regardant j’ai eu le vertige à tel point que j’ai failli m’évanouir.

Tu sais la force de caractère de cet homme. Est-ce que ce phénomène est dû au magnétisme qui se dégage de sa personne ou à des causes morales qu’il serait trop long de t’énumérer. Je ne m’inquiète pas de le savoir. Je te raconte le fait.

Ce soir-là, je me suis juré qu’il renouerait les anciennes relations et qu’un jour ma volonté briserait la sienne. Il m’aimait encore. Je m’en suis aperçue à l’indifférence qu’il essayait de feindre.

Maintenant il m’aime. J’en suis certaine. Oui Hortense, il m’aime. Si tu le connaissais comme moi, tu comprendrais ce que signifient ces mots : il m’aime.