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UBALD PAQUIN

ŒIL pour ŒIL


Récit de Sydney Jones.

I


L’on se souvient encore de la révolution qui a bouleversé la Batavie, il y a quelques années.

Les nouvelles de la Presse Associée et des agences apprenaient chaque jour à l’Univers les tragiques événements dont ce petit pays fut le théâtre.

Des personnages qui se sont dressés devant l’Opinion Publique, accaparant son attention, la plupart aujourd’hui sont oubliés, ou ignorés.

Qui se souvient, de Luther Howinstein, qui, effectivement durant huit mois exerça le pouvoir le plus absolu jusqu’au retour de Karl iii le monarque dépossédé.

Combien d’autres également sont disparus de la scène après avoir joué un rôle important dans le grand drame batavien : Lucrezia Borina, prima donna du théâtre National de Leuberg dont les intrigues à la Cour Royale avaient amené ce déclenchement de passions ; Albert Kemp, général des forces de la première rébellion ; le maréchal Junot, officier de fortune, originaire de France, ministre de la guerre sous Howinstein et mort, assassiné par la belle Borina ?

Et combien d’autres ?

L’oubli recouvre leurs actes. Les pages de l’histoire qu’ils écrivaient dans le sang des rues et la boue des tranchées, sont retournées et un chapitre nouveau est commencé au Livre de la Batavie.

Quelques-uns sont rentrés dans l’ombre d’où ils étaient sortis, comme Kerensky chez les russes ; les autres ont émigré et exercent de par le monde des métiers incompatibles avec leur grandeur passée. Sur l’un d’eux cependant, il plane un mystère.

Pourquoi Von Buelow, ce jeune homme qui, à 24 ans, fut ministre des affaires étrangères durant un mois, et faillit à cette époque tenir entre ses mains la dictature de son pays, amnistié, invité même par le monarque à faire partie du Cabinet de la Restauration, n’a-t-il jamais reparu dans son pays d’origine où son rang social, sa fortune et les amis influents qu’il possède lui assurent un avenir magnifique !

La masse de ses concitoyens ne sait rien de lui, sauf qu’il est vivant, quelque part en Amérique. Des lettres non datées mais récentes à cause des événements qu’elles relatent, permettent de croire à cette certitude.

Est-il la victime d’une société secrète qui aurait intérêt à empêcher son retour au pays ?

Il y en a qui partagent cette opinion. D’autres prétendus bien informés, préten-