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LE ROMAN DES QUATRE

Puis il loua un taxi et ils partirent à toute vitesse vers la rue Cadieux.


IV


L’automobile fila rue Notre-Dame à une vitesse vertigineuse. Tous les passants tournaient la tête pour la regarder fuir. Le chauffeur ralentit en arrivant à la rue Bleury pour s’éviter une semonce de l’agent de trafic qui stationnait là. Il dut continuer sa marche moins vite, parce qu’un autre agent était posté à l’intersection de la rue Sainte-Catherine et du Boulevard Saint-Laurent.

Enfin, la machine tourna sur la rue Cadieux et s’arrêta en face de la résidence portant le numéro 32g.

Elzébert Mouton sauta le premier de la voiture, et Paul Durand le suivit. Durand allait frapper à la porte, quand Elzébert l’en empêcha.

— Ne va pas faire cela, dit-il, nous allons ainsi gâter la sauce.

— Mais que faire ?

— Nous trouverons bien un moyen.

Elzébert réfléchit pendant quelques instants.

Puis :

— Nous allons nous éloigner paisiblement en taxi. Nous n’aurions pas dû arrêter juste en face de cette maison. C’est là un mauvais pas.

Ils remontèrent dans l’automobile qui repartit. Quelques maisons plus loin Elzébert fit de nouveau stopper la voiture.

— Vous, madame, dit-il, vous allez demeurer assise dans l’auto. Attendez jusqu’à ce que nous revenions. Ce ne sera pas long, je l’espère.

Les deux compagnons partirent alors.

Ils pénétrèrent dans la cour par une ruelle sale et boueuse.

— J’ai bien compté les maisons, dit Elzébert, Il nous faut traverser quatre cours avant d’arriver à celle du numéro 32g.

Ils traversèrent ces quatre cours sans encombre. Heureusement, personne ne les remarqua. Et ils arrivèrent à la cour qu’Elzébert était sûr d’être celle du No. 32g.

— Et maintenant, pénétrons dans la maison !

— Mais comment ?

— Suis-moi, tu vas voir que c’est très facile, Mais auparavant, nous avons une petite opération à faire. Bon, il y a plusieurs cordes à linge ici ; elles feront notre affaire.

Il sortit son canif, l’ouvrit et coupa trois cordes à linge qu’il roula. Il en mit deux dans ses poches et donna la troisième à Paul.

— Que veux-tu que je fasse de ceci ? questionna Paul.

— Fourre-la dans ta poche comme moi, idiot !

— Mais pourquoi faire ?

— Tu verras, tu verras !

— Tiens, moi, j’ai une peur bleue.

— Peuh ! vieille dévote qui craint les rats d’églises !

Elzébert frappa à la porte de la cuisine.

Pendant trois secondes environ il n’entendit aucun bruit. Puis des sons de pas se firent entendre. Ils se dirigèrent vers la porte.

— Tiens-toi bien, Paul, nous allons rire !

Un homme apparut dans l’entre-bâillement de la porte.

— Que voulez-vous ? demanda-t-il d’une voix rude.

— Avez-vous besoin de bonnes bananes, d’ananas, de pommes de terre ? dit Elzébert.

— Non, merci !

Et il referma la porte.

Elzébert frappa de nouveau immédiatement.

— Allons, qu’y a-t-il encore ? questionna-t-il fâché.

— Sortez, l’ami, nous avons affaire à vous.

— Voulez-vous rire de moi, dites donc !

— Non, non, sortez, c’est très sérieux.

À ce moment Elzébert sortit un mouchoir, et l’individu sortit. Il n’était pas sitôt dehors qu’Elzébert lui asséna un formidable coup de poing sur la mâchoire, l’homme tomba dans les bras de Durand comme une pâte molle, sans connaissance.

— Bien. Ligotons-le maintenant.

— Tu parles d’une façon de pénétrer dans une maison ! s’exclama Paul. Nous allons nous faire arrêter, c’est sûr. Si tu t’étais trompé de maison.

— Non, non, je ne me suis pas trompé, j’en suis absolument sûr. Ligote-moi ce voyou maintenant avec ta corde à linge, et applique-lui un bon bâillon sur la bouche pour l’empêcher de crier.

Sitôt dit, sitôt fait.