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Ce ne peut être que d’après une supposition erronée, que les charges féodales étaient inhérentes au corps du droit de ce Pays, quant à la possession et à la transmission des propriétés, et aux diverses tenures que ce droit reconnaissait, qu’il a pu être statué au dit Acte, que les terres dont la mutation aurait ainsi été obtenue tomberaient sous la tenure du franc et commun soccage. Les charges seigneuriales n’ont principalement été onéreuses, en certains cas, que par le défaut de recours auprès des administrations provinciales et des tribunaux, pour le maintien des anciennes lois du Pays à cet égard ; d’ailleurs, la Législature Provinciale aurait été tout-à-fait compétente à passer des lois pour permettre le rachat de ces charges, d’une manière qui se conciliât avec les intérêts de toutes les parties, et avec les tenures libres reconnues par nos lois. Cette Chambre s’est occupée à plusieurs reprises de cet important sujet, et s’en occupe encore actuellement ; mais le dit Acte des Tenures, insuffisant par lui-même, pour opérer d’une manière équitable, le résultat qu’il annonce, est de nature à embarrasser et à empêcher les mesures efficaces que cette Législature pourraient être disposée à adopter à ce sujet, avec connaissance de cause ; et nous devons croire que l’application ainsi faite, à l’exclusion de la Législature Provinciale, au Parlement du Royaume-Uni, bien moins à portée de statuer d’une manière équitable sur un sujet aussi compliqué, n’a pu avoir lieu que dans des vues de spéculations illégales, et de bouleversement dans les lois du Pays, au moyen d’une combinaison contraire aux engagemens antérieurs du Parlement Britannique, et propre à créer injustement des appréhensions, sur les vues du Peuple et du Gouvernement de la Mère-Patrie, et à mettre en danger la confiance et le contentement des habitans du Pays, qui doivent être assurés sur des lois égales, autant que sur une justice égale, imposée comme règle de conduite à tous les Départemens du Gouvernement. Nous pensons qu’aucune violation des droits du Peuple, ne pourrait obtenir une obéissance de choix et d’affection, mais seulement de crainte et de coercition, tant qu’elles pourraient durer. Nous devons exprimer la même opinion à l’égard de toute mesure administrative, qui aurait la même tendance.

Quoiqu’un fait qui n’a pas dépendu du choix de la majorité du Peuple de cette Province, son origine Française et son usage de la langue française, soit devenu pour les autorités coloniales, un prétexte d’injure, d’exclusion, d’infériorité politique et de séparation de droits et d’intérêts, sur quoi cette Chambre en appelle à la justice du Gouvernement de Sa Majesté et de son Parlement, et à l’honneur du Peuple Anglais, la majorité des habitans du Pays, n’est nullement disposée à répudier aucun des avantages qu’elle tire de son origine et de sa descendance de la nation Française, qui sous le Rapport des progrès qu’elle a fait faire à la civilisation, aux sciences, aux lettres et aux arts, n’a jamais été en arrière de la nation Britannique, et qui, aujourd’hui, dans la cause de la liberté, et la science du Gouvernement est sa digne émule ; de qui ce Pays tient la plus grande partie de ses lois civiles et ecclésiastiques, la plupart de ses établissemens d’enseignement et de charité, et la religion, la langue, les habitudes, les mœurs et les usages de la grande majorité de ses habitans. Les Sujets de Sa Majesté, d’origine britannique en cette Province, sont venus s’établir dans un Pays, « dont les habitans professant la Religion de l’Église de Rome, jouissaient d’une forme stable de Constitution, et d’un système de Lois, en vertu desquelles leurs personnes et leurs propriétés ont été protégées et gouvernées, pendant une longue suite d’années, depuis le premier établissement du Canada. » Ce fut, appuyé sur ces considérations et guidé par les règles de la justice et du droit des gens, que le Parlement Britannique statua, que dans toutes les matières relatives à la propriété et aux droits civils, on recourrait au droit du Canada. Dans les occasions où le Gouvernement s’écarta du principe ainsi reconnu, par l’introduction du droit criminel anglais, en premier lieu, et plus tard par celle du système représentatif, avec toute la portion du droit constitutionnel et parlementaire, nécessaire à sa pleine et libre action, il l’a fait en conformité aux vœux suffisamment connus du Peuple Canadien ; et toute tentative de la part de fonctionnaires publics ou autres, qui ont fait volontairement leur condition, en venant s’établir dans le Pays, contre l’existence d’aucune partie des lois et des institutions propres et particulières au Pays, et toute prépondérance à eux donnée dans les Conseils Législatif et Exécutif, dans les Tribunaux et les autres Départemens, sont contraires aux engagemens du Parlement Britannique, et aux droits assurés aux Sujets Canadiens de Sa Majesté, sur la foi de l’honneur national anglais et sur celle des capitulations et des traités.

La disposition de l’Acte des Tenures mentionné ci-dessus, qui a excité le plus d’alarmes, parcequ’elle a paru la plus contraire aux droits des habitans du Pays et à ceux du Parlement Provincial, et aux faits et aux principes que nous venons d’invoquer, est celle qui statue que les terres tenues en fief ou en censive, dont la tenure aura été commuée, seront tenues en franc et commun soccage, et par là même, sujettes d’après les dispositions du dit Acte, aux lois de la Grande Bretagne, dans les diverses circonstances y mentionnées et énumérées. Outre son insuffisance en elle-même, cette disposition est de nature à mettre en contact dans tous les anciens établissemens, sur des points multipliés et contigus, deux systèmes opposés de lois, dont l’un d’ailleurs est entièrement inconnu dans le Pays, et y est impossible dans ses résultats. D’après les dispositions manifestées par les autorités coloniales et leurs partisans envers les Habitans du Pays, ces derniers ont juste raison de craindre que cette disposition ne soit que le prélude du renversement final, au moyen d’Actes du Parlement de la Grande Bretagne, obtenus frauduleusement, du système qui a continué de régir heureusement les personnes et les biens des Habitans de la Province. Ils ont aussi des motifs raisonnables d’appréhender que les prétentions élevées aux biens du Séminaire de St. Sulpice de Montréal, ne soient dues au désir des administrations coloniales et de leurs employés et suppôts, de hâter le déplorable état de choses prévu ci-dessus. Le Gouvernement de Sa Majesté en Angleterre, en rassurant ses fidèles Sujets Canadiens à cet égard, ferait dis-